On s'attendait à voir arriver un vieux monsieur en fauteuil roulant, un bénévole militant, quelque peu usé par la lutte. On se retrouve en fait devant Florian L'AUTELLIER, directeur territorial APF des actions associatives en Corse), un quadra passé par le secteur industriel ("les travaux publics maritimes"), salarié et prêt à en découdre avec les idées reçues. Prêt également à défendre les missions que s'est fixée en Corse l'association des paralysés de France, l'APF. 2017 sera l'année de la communication, de l'information. Dans les villes, dans les villages, également, surtout. À l'occasion de la semaine nationale des handicapés physiques qui se tient du 13 au 19 mars, rencontre avec un président désormais territorial.
Premier constat. Où sont les personnes handicapées en Corse ? On ne les voit pas. Il n'y en a pas ?
On ne les voit pas parce qu'elles ne peuvent pas se déplacer. On évoque la solidarité insulaire, celle de la famille. Mais elle a ses limites. Les gens travaillent, les aidants sont fatigués. Et certaines personnes restent enfermées chez elles.
A-t-on tout de même des chiffres ?
Nous avons les données compilées par l'agence régionale de santé, données qui reprennent en fait le nombre de personnes bénéficiant d'une AAH, allocation aux adultes handicapés, soit environ 6 000, un chiffre auquel il faut ajouter 1 000 enfants. Mais ceci regroupe tout aussi bien quelqu'un qui peut travailler que quelqu'un qui est complètement invalide depuis sa naissance... Leurs problématiques n'ont donc rien à voir.
À ceci s'ajoute la situation, évidemment spécifique de l'île...
L'APF, qui est pourtant la seconde association de France après la Croix Rouge, souffre d'un très très gros déficit en Corse. Nous avons donc un retard à rattraper. Nous sommes sur un travail au quotidien, sur le soin en institutions, dans le militantisme également. Il y a aussi un travail à mener dans le rural. C'est le chantier de 2017 avec la mise en place de groupes relais.
En quoi consistent ces groupes relais ?
Dans les villages, c'est la double peine pour les personnes en situation de handicap qui sont isolées, n'ont pas accès à l'information, ne connaissent pas toujours leurs droits. Des anciens, des anciennes, restent parfois chez eux toute la journée. Nous avons donc commencé à faire la tournée des maires, afin de mettre en place ces permanences itinérantes. Nous avons besoin de ces élus, d'abord pour identifier les besoins, puis pour créer des liens. Présentez-nous ! Les gens sont tellement sollicités.
Comment êtes-vous accueilli par les maires ?
J'en ai déjà vu une quinzaine en Corse-du-Sud et ceux qui sont sensibilisés ont généralement dans leur histoire été confrontés au handicap. Les autres ? Ils me répondent "mais on a déjà l'ADMR". C'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Notamment en ce qui concerne le droit. Notre implantation, qui ne coûte rien, est donc une véritable valeur ajoutée. Ces relais sont un des fondamentaux de l'APF, depuis des années. Mais ils n'existaient pas en Corse.
La situation est-elle tout de même en train d'évoluer ?
On revient de loin mais on se professionnalise. Et nous avons fait des économies en créant une direction territoriale en septembre 2016...
Et sur le terrain ?
Là aussi, les choses ont évolué, notamment en ce qui concerne l'accessibilité. Mais l'incivisme non sanctionné est pénible, surtout quand vous êtes diminué. Et comparé à certaines villes, on est encore loin du compte. À Ajaccio, plus on va vers le centre, plus c'est compliqué. Sur le cours Napoléon, un côté est accessible, l'autre non. Même l'arrêt de bus "délégation APF" de la ligne 2 est impraticable, la pente des trottoirs trop forte ! Ca avance, mais très lentement. Le travail de l'APF, c'est aussi pour mes vieux jours, pour vos vieux jours. La population vieillit, certains vont être en forme, d'autres non. Et ce sera pire pour nos enfants.